Défini comme l’ensemble des activités
que la société se propose d’exercer, l’objet social est à la fois le fondement et
la limite des pouvoirs du gérant.Il détermine
les pouvoirs conférés au gérant pour traiter au nom et
pour le compte de la société.
En tant que fondement, l’objet social
évoque la relation du gérant avec la société et les associés En tant que
limite, il évoque la relation de la société avec les tiers.
Comment concilier entre d’une part
l’intérêt d’un contractant qui a traité
avec le gérant en toute confiance et sécurité et d’autre part l’intérêt de la société qui n’a pas donné au gérant des prérogatives pour
outrepasser l’objet social ?
Un équilibre subtil entre la
sauvegarde des intérêts de la société et des associés et la préservation de
ceux des tiers, est instauré par le législateur pour les actes qui ne relèvent pas de l'objet social.
Selon les articles 114 du Code des Sociétés commerciales engage la société par les actes qui ne relèvent pas de l’objet
social sauf lorsque la société prouve que le tiers savait que l’acte dépassait
l’objet social ou qu’il ne pouvait l’ignorer, compte tenu des circonstances.
Etant précisé que la seule publication des statuts ne suffit pas à apporter
cette preuve.
I- Le principe : les actes qui ne relèvent pas de l'objet social engagent la société.
L’engagement de la société par les
actes qui ne relèvent pas l’objet social emporte protection des tiers car il
dispense ces derniers d’effectuer la lourde tâche de vérification des statuts
avant chaque acte et les tiens à l’abri d’une éventuelle délimitation des
pouvoirs par le biais de l’objet social.
Les tiers sont dispensés de procéder
à une vérification de l’étendue l’objet social lors de la conclusion de chaque
acte avec la société. Ils sont aussi dispensés de vérifier la conformité de
l’acte en cause avec l’objet social.
II- L’exception : le tiers de
mauvaise foi
.
La protection accordée aux tiers ne
va pas jusqu’à sacrifier totalement l’intérêt de la société et des associés. Le
dépassement de l’objet social devient opposable aux tiers lorsqu’il est établi
qu’ils ‘’savaient ou ne pouvaient ignorer, compte tenu des circonstances ‘’,
que l’acte pris par le dirigeant ne relève pas de l’objet social.
II- I : Le tiers qui a eu connaissance efective du dépassement.
Le dépassement, inopposable aux tiers
de bonne foi, est, en revanche, opposable aux tiers de mauvaise foi. La
conclusion de l’acte par les tiers, en connaissance du vice qui l’affecte, est
constitutive de mauvaise foi.
La seule publication des statuts ne
peut être considérée comme preuve de connaissance par le tiers du dépassement.
Il y là une manifestation de l’affaiblissement des effets de la publicité qui n’est
plus un facteur d’opposabilité, comme en droit commun de la publicité légale.
Réserve faite de l’exclusion de la
publicité légale, une double preuve doit être rapportée par la société, pour
pouvoir opposer au contractant le dépassement de l’objet social. Elle doit,
d’abord, prouver que celui-ci avait connaissance de la clause statutaire
relative à l’objet social et ensuite, établir qu’il savait que l’acte en cause
n’entrait pas dans cet objet social.
La seule publication des statuts
étant expressément exclue, tous les moyens de preuve sont admis, pour prouver
la connaissance par le tiers du dépassement.
La communication des statuts ou la
reproduction de la clause relative à l’objet social dans l’acte projeté peuvent
être invoquées pour prouver cette connaissance, notamment lorsque c’est le
tiers qui, au moment de contracter, a demandé la communication des statuts ou
la reproduction de la clause dans l’acte. Ces faits devraient, en principe,
être considérés comme lui ayant permis d’avoir une connaissance effective et
personnelle de l’objet social
C’est ainsi que la Cour d’appel de
paris décide que ‘’même si (la partie bénéficiaire de l’acte) avait eu une
connaissance de l’objet de la société tel que défini dans les statuts, il n’en
résulterait pas qu’elle aurait dû nécessairement en déduire que la vente
projetée était contraire à cet objet..‘’ ( 30 novembre 1976, Rev. Sociétés
1977, p.694)
Il est évident que la preuve de la
connaissance du dépassement de l’objet social est difficile à rapporter. En
effet, il est souvent malaisé de déterminer si un acte relève ou non de l’objet
social. Une telle détermination dépend, dans une large mesure, de la rédaction
statutaire de l’objet social, laquelle peut être faite en des termes vagues et
imprécis, et de la portée de l’acte, lequel peut intéresser, directement ou
indirectement, l’activité sociale.
II-II : Le tiers qui ne pouvait ignorer le
dépassement .
Une atténuation est apportée au
fardeau de la preuve. La société ne se
trouve pas engagée et le tiers est réputé de mauvaise foi si « les
circonstances » de la conclusion de l’acte font qu’il ne pouvait ignorer le dépassement.
Il appartient au
juge de faire application de son pouvoir d’appréciation, en tenant compte des
circonstances, pour déclarer la mauvaise foi des tiers.
Les circonstances, qui peuvent être
admises comme présumant la mauvaise foi des tiers, ne peuvent être limitées
dans une liste préétablie.
Il y là une question qui peut varier d’une espèce à
une autre. Néanmoins, c’est surtout de la situation objective dans laquelle le
contrat est conclu et de la qualité du contractant, c’est-à-dire de la
personnalité du tiers, que peut être déduite la connaissance par celui-ci du
dépassement.
C’est le cas, lorsque les relations
antérieures, portant sur un objet semblable, sont intervenues entre la société
et le tiers. C’est aussi le cas lorsque la nature de l’activité de la société
est vraisemblablement très différente de l’objet du contrat conclu par le
dirigeant.
Les circonstances de la conclusion de
l’acte sont souvent corroborées par la qualité du tiers contractant, pour
pouvoir déduire la mauvaise foi. Ainsi, il peut paraître assez habituel qu’une
société de parfums décide de cautionner l’emprunt, contracté auprès d’une
banque, d’une société de couture. Cependant, si la différence d’objet entre les
deux sociétés peut paraître habituelle pour un tiers ordinaire, elle devrait
susciter la vigilance du banquier ; de par les préoccupations même de son
activité, ce dernier ne peut ignorer le dépassement.
De même, il est souvent difficile
pour un tiers de contrecarrer l’exception de mauvaise foi, lorsqu’il est
lui-même dirigeant dans une autre société et dispose donc d’une assez bonne
connaissance en matière des pouvoirs relatifs à sa fonction.
Dans d’autres cas, la personnalité du
tiers peut intervenir à son profit et au déterminent de l’intérêt de la
société. L’arrêt de la Cour d’appel de paris du 30 novembre 1976 ( 30 novembre
1976, Rev. Sociétés 1977, p.694) donne un exemple typique de ce cas.
Dans cette affaire, il s’agissait de
trancher sur la validité d’une promesse de vente consentie par le dirigeant sur
un fonds de commerce et un immeuble qui appartenaient à une société anonyme. Avant
de décider que le tiers acquéreur était de bonne foi et que la société était
engagée par l’acte, la Cour a pris en considération la personnalité du tiers.
La terminologie utilisée par la Cour est, à cet égard, particulièrement
significative du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose. La Cour estime
que
« considérant, en outre, qu’il convient de relever que la promesse
litigieuse a été conclue sous la médiation d’un intermédiaire professionnel… et
en présence (d’un notaire), qu’on voit mal comment dans de telles circonstances
la demoiselle DELAUTRE (le tiers), dont rien ne permet de penser qu’elle avait
des connaissances particulières en matière de droit des sociétés, aurait pu,
non seulement savoir, mais même supposer que le dirigeant n’avait pas,
contrairement à ce qui été indiqué dans la promesse, le pouvoir de la consentir
et, ensuite d’accorder les prérogatives successives, y compris la dernière
qu’elle a, seule, signée ».
Dans une autre espèce, l’appréciation
souveraine des juges du fond est allée jusqu’à considérer qu’une S.A.R.L, dont
l’objet social relève du domaine de l’informatique, est tenue au paiement des
leçons de pilotage aérien prises par le gérant. Il été jugé que le
bénéficiaire, en l’espèce le moniteur, a pu penser que le gérant avait besoin
d’une qualification de pilotage pour assurer des déplacements professionnels
rapides ( C.A. Paris, 15 juin 1995, Dr. Sociétés 1995, comm. 218 ; Rev.
Sociétés, 1995, somm. P.770.)