vendredi 23 novembre 2012

Le refus de renouvellement du bail pour reconstruction de l’immeuble


La loi n° 37-77 du 25 Mai 1977 relative au renouvellement des baux commerciaux prévoit la possibilité au propriétaire de l'immeuble loué  dans lequel un fonds de commerce est exploité, de refuser le renouvellement du bail pour reconstruire l’immeuble.

L’article 9 de cette loi dispose en effet que : « Le propriétaire a également le droit de refuser le renouvellement du bail pour reconstruire l’immeuble, a charge de payer au locataire évincé, préalablement à son départ, une indemnité égale à quatre ans de loyer.
Le locataire a le droit de rester dans les lieux aux clauses et conditions du contrat expiré jusqu’au commencement effectif des travaux. ».

Des conditions doivent se réunir pour que le propriétaire puisse recourir à cette solution peu coûteuse et refuser le renouvellement en vue de reconstruire son immeuble (I)

Ce droit à la récupération des locaux ne doit cependant pas aboutir à frauder le droit au maintien accordé au locataire en détournant l’indemnité d'éviction en une indemnité de quatre ans de loyers uniquement. c'est la raison pour laquelle un droit de priorité est accordé au locataire pour louer à nouveau l’immeuble. ce droit est aussi assorti de conditions (II)

I- Les conditions du refus de renouvellement par le bailleur:

Le bailleur qui entend démolir et reconstruire l'immeuble loué doit adresser un congé au preneur (1). le preneur ne peut quitter les lieux que si une indemnité de 4 ans de loyer lui est versée (2) et que les travaux de reconstruction commencent effectivement (3)...

1) Le congé de non renouvellement pour reconstruction :


Le congé de non renouvellement doit être adressé par exploit d’huissier-notaire, doit respecter le délai de six mois à l’avance, doit reproduire les termes de l’article 27 et  doit préciser le motif qui est la reconstruction de l’immeuble et ce, conformément à l’article 4 de la loi de 1977.

Une  jurisprudence abondante de la Cour de Cassation considère qu’il n’est nullement besoin de signifier l’autorisation administrative de bâtir avec le congé. Il suffit de mentionner clairement le motif du non renouvellement et l’intention du reconstruire l’immeuble

( Cassat. civ. 39716 du 13 Mars 1996, R.J.L 1996, n°4 ;  Cassat. civ. 55762 du 12 octobre 1998 bull. civ. 1998, 2 ).

Un arrêt récent des Chambres Réunies n°18687 du 9 Nov.2017 affirme cependant que la reproduction du texte de l'article 27 n'est pas requise pour le congé adressé au sens de l'article 9 de la loi.

2) Le paiement de l’indemnité de quatre ans du loyer :


L’article 9 stipule que l’indemnité doit être payée au locataire avant son départ. Le propriétaire peut payer cette indemnité dés qu’il adresse le congé ou dans la période des six mois donnée au locataire à l’avance et en tous cas avant l’évacuation des lieux par ce dernier.  

Si le locataire refuse la somme offerte, le propriétaire doit la consigner conformément à la procédure de l’article 289 du code des obligations et des contrats. Le paiement de cette indemnité est une condition pour le départ du locataire qui peut refuser de quitter les lieux tant que l’indemnité ne lui a pas été versée.

3) Le commencement effectif des travaux :


Le locataire est en droit de rester dans les lieux jusqu’au commencement effectif des travaux de reconstruction. Or, il est évident que le commencement des travaux impliquent nécessairement la démolition de l’immeuble et ne peut avoir lieux si le locataire ne quitte pas les lieux.

A cet égard, la Cour de cassation explique les dispositions de l’article 9 en statant qu’il est entendu par cette condition « la simple préparation par le propriétaire des conditions du commencement des travaux » ( Cassat. civ. 24754 du 2 nov.1989). 

Un contrat avec l’entrepreneur comportant la date du commencement des travaux ou un contrat d’achat des matériaux de construction peuvent servir de preuve de l’intention du « commencement » effectif des travaux.

Lorsque le preneur refuse de quitter les lieux après six mois de la signification du congé, le propriétaire peut intenter une action sur la base de l'article 9 et qui est une action en fin de bail pour l’obliger à évacuer l’immeuble. L’action peut être introduite devant le juge de référé qui est habilité à vérifier les conditions de l’expiration du bail pour reconstruction. 


II- Les conditions du droit de priorité du locataire  :

le droit du propriétaire de récupérer les lieux n'est pas envisagé pour frauder le droit au maintien et le droit du locataire à une indemnité d'éviction. Ce dernier peut revendiquer un droit de priorité pour relouer le local rénové.

1) Les conditions de forme du droit de priorité.


L’article 10 de la loi précise les conditions de forme de l’exercice de ce droit par le locataire évincé pour reconstruction de l’immeuble. Ce dernier doit,  au plus tard dans les trois mois qui suivent son départ, notifier au propriétaire  sa volonté d’user du droit de priorité en  faisant connaître au propriétaire son nouveau domicile  et ce, par exploit d’huissier-notaire.

Avant de louer le local de nouveau, le propriétaire doit aviser le locataire qu’il est prêt à lui consentir un nouveau bail. L’avis doit également être adressé par exploit d’huissier-notaire. Le preneur doit dans les trois mois  se prononcer sur les conditions de ce nouveau bail ou saisir la juridiction compétente…

Selon le paragraphe dernier de l’article 10, le propriétaire qui ne se conforme pas à ces procédures sera passible de dommages et intérêts au profit du preneur évincé et privé de son droit de priorité.

L’action en indemnisation trouve son fondement dans les principes de la responsabilité délictuelle et non les dispositions de l’article 7 de la loi relatives à l’indemnité d’éviction ( Cassat. Ch. Réunies, 57556 du 8 juillet 1999).

Cependant le montant de l’indemnisation du locataire évincé et privé de son droit de priorité, doit logiquement se rapprocher du montant de l’indemnité d’éviction de l'article 7 de la loi. En effet, le non respect par le bailleur du droit de priorité revient en définitif, à priver le preneur de son droit à une indemnité d’éviction pour non renouvellement sans motif du bail. La possibilité donnée au bailleur par l’article 9 ne doit pas être détournée de ses objectifs pour frauder le droit à une indemnité d’éviction égale au préjudice subi au sens de l’article 7 de la loi sur les baux commerciaux.

2) Les conditions de fond du droit de priorité.


Le droit du preneur évincé d’occuper à nouveau les locaux est-il un résultat inéluctable de la fin des travaux de reconstruction ?  

la Cour de cassation dans un arrêt répond par la négative. ( n° 7698 du 20 Avril 2005) en statuant que ce droit de priorité n’est pas applicable lorsque le bailleur préfère garder l’immeuble reconstruit pour en user personnellement c'est-à-dire dans le cas oủ il n’entend plus louer son immeuble.Arrêt du 20 Avril 2005 n° 7698

La haute juridiction retient cette solution en usant d’une lecture à contrario du paragraphe 2 de l’article 10 de la loi de 1977, lequel dispose que «  le propriétaire qui a reçu une telle notification doit, avant de louer à nouveau le local, aviser le locataire qu’il est prêt à lui consentir un nouveau bail …. ».  

S’il n’entend pas louer à nouveau le local, il n’est pas tenu d’aviser le preneur évincé selon la lecture à contrario de la Cour. Il s’agit donc selon la Cour d’une priorité pour louer et non d’une priorité pour occuper l’immeuble.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Le propriétaire est-il tenu de reprendre les mêmes conditions de l'ancien bail ? Je pense à une augmentation substantielle du loyer par exemple.