Une
société commerciale est classiquement définie comme un contrat par lequel deux
ou plusieurs conviennent d’affecter en commun leurs apports, en vue de partager
le bénéfice ou de profiter de l’économie qui pourrait résulter de l’activité de
la société[1].
Une telle définition implique
nécessairement que la constitution et l’existence même de la société soit gouvernée par une finalité
intéressée que la doctrine qualifie classiquement de spécialité légale de la
société[2].
Est-ce
que le dirigeant, qui dispose en principe des pleins pouvoirs, peut effectuer
des actes à titre gratuit, telle qu’une donation par exemple ? En d’autres
termes, les pouvoirs du dirigeant englobent-ils les actes de pure bienfaisance,
les libéralités et tout acte à titre gratuit ?
La
réponse à cette question peut être envisagée selon deux optiques différentes.
L’une consiste à partir du principe de la finalité intéressée lui-même. L’autre
consiste à partir de l’assimilation par le législateur des personnes morales
aux mineurs. Dans l’une ou l’autre de ces perspectives, l’enseignement qui se
dégage est le même. Il est très discutable de penser qu’une société puisse être
engagée par des actes dépourvus de toute finalité intéressée, telle qu’une
donation.
Selon la
première optique, adoptée par une partie de la doctrine française, le principe
de la finalité intéressée n’est qu’une exception qui vient limiter la pleine
capacité de jouissance de la société[3]
et qui est complétée par la spécialité statutaire, laquelle vient cantonner la
société dans une activité plus précise[4].
Contrairement
à la spécialité statutaire qui n’est pas infranchissable, puisque les associés
peuvent modifier les statuts pour élargir l’objet social, la spécialité légale,
en tant que délimitation de la capacité de jouissance de la société, interdit,
à la société d’effectuer des actes à titre gratuit[5].
Ces derniers sont aux antipodes de la spécialité légale[6]et
de la finalité intéressée de la société.
Toutefois,
il n’est pas discuté que la société puisse bénéficier d’une libéralité,
puisqu’il s’agit là d’un moyen comme un autre de réaliser des bénéfices[7].
Ensuite, il est reconnu qu’une société puisse valablement effectuer des actes
gratuits, dés lors qu’elle le fait accessoirement à son activité commerciale.
Elle peut consentir un abandon de créances à sa filiale[8].
Elle peut accorder une pension complémentaire à un salarié qui se retire[9].
Les
auteurs admettent en effet qu’il faut se garder de se fier aux apparences, la
gratuité n’exclut pas toujours un intérêt patrimonial. Il faut distinguer entre
les actes de pure bienfaisance et ceux dont la bienfaisance s’explique par la
poursuite d’un intérêt patrimonial[10].
C’est
ainsi que les activités de « Mecennat » et de
« Sponsoring » revêtent le plus souvent, un caractère intéressé. Une
société qui subventionne une activité culturelle, sportive voir d’intérêt
général, le fait principalement, dans un but de promotion commerciale et dans
le dessein d’améliorer son image de marque[11].
Il est
évident qu’une telle distinction est difficile à opérer. En effet, elle fait
intervenir le critère de l’intérêt de la société, lequel est très difficile à
définir et à identifier.
En tant
que personne morales, les sociétés commerciales sont assimilées à des mineurs
dans nombreux systèmes juridiques. Or, la question de la capacité des mineurs,
et plus précisément celle des actes à titre gratuit pris en leurs noms, est
règlementée généralement dans un sens protecteur du mineur contractant et de
son patrimoine[12]
Il en
découle logiquement, que les actes à titre gratuit, effectués au nom d’une société
commerciale assimilée à un mineur, ne sont pas valables à l’exception du cas
dans lequel le mineur tire un avantage de l’acte litigieux. Ainsi, les
dispositions relatives à la capacité des mineurs ne semblent permettre de
considérer valables, que les actes à titre gratuit qui profitent aux mineurs.
Néanmoins, il faut reconnaître que le recours à ces
dispositions n’est pas aussi judicieux qu’il puisse le paraître. En fait, même
si les sociétés commerciales sont assimilées à des mineurs, les pouvoirs des
dirigeants sociaux sont règlementés par des dispositions spéciales du droit des
sociétés commerciales. L’existence de ces dispositions spéciales exclut le
recours à celles, plus générales réglementant les actes touchant le mineur conformément
au principe général faisant que le spécial déroge au général
[1]
Definition retenue par l’article 2 du Code des Sociétés Commerciales Tunisien
[2] GUYON (Y), Droit des
affaires, Tome 1, droit commercial général et sociétés, 9ème
édition, Economica, Paris,1996. , n°188.
[3]
GUYON(Y), « La personnalité morale des sociétés », J.CI sociétés,
Fasc. 28-15, n°42 et s ;
[4]
Idem.
[5]
En
matière de sociétés commerciales, le concept « spécialité légale »
peut recevoir deux appréhensions différentes. Il désigne d’abord, le principe
qui fait que l’activité de certains types de sociétés est cantonnée dans un
domaine déterminé, et renvoie aussi au principe selon lequel une société
commerciale est constituée en vue de partager des bénéfices ou de réaliser des
économies
[6] PRIETO (C), La société contractante, P.U.A.M, 1994, n°70.
[7]
GUYON (Y), Chron. précitée, n°45.
[8]
27 novembre 1981, n°16814, Rev. Sociétés, 1982, p. 321, note BLANCHER.
[9]
Cass. Soc, 10 juillet 1975, Rev. Sociétés, 1976, p.326, note GUYON.
[10] PRIETO (C), op.cit, n°70 et s.
[11] GUYON (Y), Chron. précité, n°54.
[12] l'article. 5 du
C.O.C ; Par ailleurs, l’article 16 du C.O.C. dispose que « les actes
accomplis dans l’intérêt d’un mineur, d’un interdit ou d’une personne morale,
par les personnes qui les représentent et dans les formes établies par la loi,
ont la même valeur que ceux accomplis par les majeurs, maître de leur droits.
Cette règle ne s’applique pas aux actes de pure libéralité, lesquels n’ont
aucun effet, même lorsqu’ils sont fait avec autorisation requise par la
loi… ». En outre, l’article 156 du C.S.P. dispose que « l’enfant
qui n’a pas atteint l’âge de treize ans accomplis est considéré comme dépourvu
de discernement et tous ses actes sont nuls… »
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