dimanche 11 novembre 2012

Le juge et la communication du dossier au ministère public



La communication du dossier au ministère public est une procédure prévue par le Code de Procédures Civiles et Commerciales dans son article 251. Certaines affaires mettent en cause des intérêts et des personnes qui méritent une protection particulière et requièrent par conséquent, des conclusions écrites du ministère public.

L’article 251 du Code de Procédures civils et commerciales dans ses alinéas 4 et 5 dispose que : «  Le président du tribunal doit communiquer trois jours au moins avant l’audience au ministère public les dossiers des affaires dans les cas suivants :
1)    lorsque l’Etat ou les collectivités publiques sont intéressés
2)    lorsqu'un déclinatoire de compétence d’attribution est opposé
3)    lorsque des incapables ou des absents sont en cause
4)    lorsque les juges sont récusés ou pris à partie
5)    lorsqu’il s’agit d’une infraction à la loi pénale ou d’une action en faux
Le ministère public doit présenter ses conclusions par écrit et les actions qu’il introduit sont exonérées de tous droits.

La Cour de Cassation considère que la communication du dossier au ministère public pour présenter ses conclusions, est une règle fondamentale de la procédure, elle doit être respectée sous peine de nullité de la procédure et doit être soulevée d’office parce que relevant de l’ordre public procédural[1]. La Cour applique l’article 251 dans ce sens dans la majorité de ses arrêts en considérant la  communication du dossier au ministère public comme une procédure d’ordre public[2],

Néanmoins, quelques arrêts vont dans le sens contraire et font de cette procédure une règle d’intérêt strictement privé qui ne peut être invoquée d’office par le juge et ne peut être soulevée que par la partie qui s’en prévaut [3]


C’est ainsi que la cour considère que le juge n’est pas tenu de respecter la procédure de l’article 251 lorsque c’est lui-même qui soulève d’office la question de la compétence d’attribution[4] .

De même, la Cour considère que lorsque l’opposition  d’un déclinatoire de compétence d’attribution n’est pas sérieuse en ce sens qu’elle n’est pas fondée sur une base légale correcte[5], ou lorsque l'opposition est une simple manœuvre dilatoire[6], le président du tribunal n’est pas tenu de communiquer le dossier au ministère public.

En donnant au juge un pouvoir pour apprécier le bien fondé de l’opposition tenant à la compétence d’attribution, la cour outrepasse le caractère obligatoire de la règle prévue par les dispositions de l’article 251. La Cour va même jusqu’à considérer que le défaut de communication du dossier au ministère public signifie implicitement que le juge considère l’opposition d’incompétence soulevée inutile et n’emporte pas violation de l'article 251[7].

Par ailleurs, la procédure ne concerne pas les affaires de pension alimentaire introduites au nom de l’incapable[8] ni dans les affaires de divorce entre couples ayant des enfants mineurs[9] ni celles de l’octroi de la garde[10]


En conséquence, la règle ne reçoit pas une application jurisprudentielle uniforme. Le caractère obligatoire de la règle cède la place dans plusieurs affaires au caractère facultatif obéissant à la discrétion du juge et la procédure érigée par le texte en une règle d’ordre public devient souvent une règle d’intérêt strictement privé qui ne peut être soulevée que par la partie qui s’en prévaut. Pourtant, il est évident que la liste énumérée dans l’article 251 ne supporte aucune distinction et que le caractère obligatoire de la procédure ne fait pas de doute.

En pratique, le représentant du ministère public qui reçoit le dossier pour présenter ses conclusions écrites se contente  de  signer et  demander l’application de la loi en deux mots ce qui amoindrit considérablement la valeur de cette procédure.

Il n’en demeure pas moins que le défaut de communication du dossier peut s'avérer une surprise désagréable à la partie qui gagne son procès et qui risque de voir la procédure annulée au motif de violation d’une règle fondamentale de procédure. Si en deuxième degré  la nullité peut être couverte  en ce sens que la cour d’appel peut appliquer la règle violée en premier ressort sans infirmer conformément à l’effet dévolutif de l’appel[11], la régularisation de la situation devant la haute cour n’est pas possible à l’évidence.



[1] Cassat Civ. n° 18102 du 13 déc.1989 ;  Cassat. Civ. 17903 du 31 Nov. 1989 ; Cassat. Civ. 21490 du 28 Nov. 2002
- Cassat ; Civ. n° 56009 du 19 Janv.1998
[2] Cassat.civ. n°4242 du 18 déc. 1980 ; Cassat. Civ. n° 71980 du 20 Oct. 1999 ; Cassat. Civ. n°36818 du 7 Fev.1995 ; Cassat. Civ. 11 402 du 23 oct. 2007 ;  Cassat. Civ. n° 51311 du 29 Nov. 2011.
[3] Cassat. Civ. n° 48192 du 27 Janv.1998 ; et Cassat.civ n°48477 du 30 avril 1997 lorsqu’il s’agit d’un incapable; Cassat. Civ. n°  27007 du 22 dec.2003 lorsqu’il s’agit de l’Etat partie au procès.
[4] Cassat. Civ 7932 du 18 Avril 2005
[5] Cassat. Civ. 70594 du 19 Nov.1999 ; Cassat. Civ. 15045 du 6 Fev. 1986
[6] casat. Civ. 12841 du 27 Janv.1986
[7]Cassat. Civ.  25250 du 9 Juin 2003
[8] Casat. Civ. 29201 du 9 Janv. 2004
[9] Cassat. Civ. n° 5412 du 9 dec. 2004
[10] Cassat.civ. 5449 du 31 Mars 1981
[11] Cassat. Civ23203 du 29 Sept.2003

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